Non-débat à l'Assemblée Nationale

9 janvier 2012

Je suis assailli de messages de lecteurs, me demandant de parler de ceci, de cela. Chaque sujet représente un paquet d'heures de travail. Pour le moment je me suis concentré sur le nucléaire.

Là, il y a urgence, car notre avenir est entre les mains de fous complets.

Le 17 novembre 2011 s'est tenu à l'Assemblée Nationale un audit, piloté par deux pro nucléaire patentés : les députés Christian Bataille (Nord-Calvados, socialiste, 65 ans) et Bruno Sido (Sénateur UMP, de Haute Marne, 60 ans, ancien ingénieur agronome vice-président de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technique) .

On peut se demander pourquoi je précise les noms de ces gens. On comprendra plus loin.

 

Faites l'effort de visionner ces deux vidéos, qui constituent ces auditions d'une commission parlementaire sur le thème " l'Avenir du Nucléaire" ( 5 ou 6 heures d'écoute ! ). Vous pourrez apprécier le ton patenôtre du député Christian Bataille, et le ton également apparemment objectif et désengagé de Bruno Sido. Mais vous détaillez la composition du groupe des intervenant, vous verrez que tout est arrangé pour parvenir à la conclusion "hors du nucléaire, point de salut !"

 

Christian Bataille

Le député du Nord Christian Bataille

 

Sido

Bruno Sido, sénateur, coprésident de la séance
Vice président de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Techniques

Quand l'habit ne fait pas le moine (France-Soir)

Absence totale de contestation scientifique et technique. Un pseudo débat. C'est lamentable, choquant.

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Sylvain David

Sylvain David, du CNRS : le déploiement des réacteurs de génération IV serait achevé en 2100 (...)

 

Pascal Garin

Pascal Garin, directeur adjoint pour la France du projet ITER

 

C'est vraiment la réunion d'un club du 3° âge. La présentation d'ITER par Garin est au ras de pâquerettes. Si j'avais été là et lui avais demandé ce qu'était une disruption, il aurait sans doute ouvert des yeux ronds. Mais ce sont ces bonshommes qui nous gèrent.

Les participants de ce "débat"

http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html?media=3012&synchro=0

http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html?media=3013&synchro=0

Ce fichier ne seront plus consultables début février 2012

 

 

Au cours de cette journée (où le député Yves Cochet a été le seul "contestataire", qui a émis pendant 10 minutes quelques protestations vis à vis des projets envisagés. Les présents, essentiellement des représentants du CEA, d'ITER-France (Pascal Garin), d'Edf, d'AREVA, ont tiré leurs conclusions. C'est simple. Les énergies renouvelables ne pourraient en aucun cas permettre de faire face aux besoins en énergie de la Terre. Mais la France a une solution. Elle dispose d'une réserve de

300.000 tonnes d'uranium "appauvri", issu des opérations d'enrichissement depuis le début du nucléaire en France

Cette réserve, à condition de pouvoir l'utiliser, représenterait de l'énergie pour 5000 ans.

La formule est alors le bon vieux surgénérateur à neutrons rapides. On charge le coeur d'un réacteur avec cet uranium 238 et du plutonium, et on fait fonctionner celui-ci sans modérer les neutrons, sans les ralentir (actuellement, dans les REP, nos réacteurs à eau pressurisée, avec de l'eau légère).

Pour garder aux neutrons de fission leur énergie d'émission ( 2 MeV ) il faut un fluide caloporteur qui soit "transparent", vis à vis de ce flux neutronique, en l'occurrence du sodium.

On connait les mésaventure de Superphénix, installé à Creys Malville, en dépit de la manifestation désespérées de 60.000 militants anti-nucléaires (un mort, deux blessés graves). Mais le CEA projette de construire un nouveau générateur à neutrons rapides, ASTRID, qui devrait être installé à Marcoule, dans le Gard. Décision en 2012, achèvement en 2020.

On voit donc que cette idée tient toujours.Nos chers nucléopathes n'ont pas abandonné. Ce suit est extraordinaire c'est de comprendre dans quel contexte elle s'inscrit.

- Les réacteurs de génération I sont les premiers installés en France, avant les années 1970.

- Ceux de la génération II sont les machines actuelles, à uranium et eau pressurisée (REP Réacteurs à Eau Pressurisée, à 155 bars ).

- Les EPR (European Presurized Reactors) constitueraient la génération III. Ce sont toujours des réacteurs à eau pressurisée, mais plus puissants (1600 MW électriques) à double enceinte de confinement et récupérateur de corium (en cas de fusion du coeur, de percement de la cuve et de chute du combustible fondu sous le réacteur).

 

EPR

L'EPR et son récupérateur de corium, en jaune

 

- Les surgénérateurs la génération IV

Le MOX (mixed oxydes) est un passage discret au combustible plutonium, issu du retraitement des "combustibles usés". En effet le combustible de base des réacteurs est à la base de l'uranium 235, extrait par raffinage (au centre de Tricastin). Le minerai naturel contient 0,7% de 235 et 99,3 % de 238.

Le raffinage, par ultracentrifigation en phase gazeuse d'hexafluorure d'uranium (dans des centrifugeuses, tournant sous vide,sur paliers magnétiques, à plus de 1000 tours seconde ) du minerai permet d'obtenir de l'uranium enrichi avec 3 à 5 % de 235. Alors le réacteur peut fonctionner en utilisant l'eau légère (de l'eau "normale") comme modérateur, comme ralentisseur de neutrons.

Les premiers réacteurs ont fonctionné avec le minerai brut, ce qui nécessitait un passage à un modérateur constitué par de l'eau lourde (où les atomes d'hydrogène sont constitués de deutérium).

Quand les réacteurs à eau pressurisée sont chargés avec ces éléments combustibles, la fission crée des déchets à haute toxicité. Certaines collisions de noyaux avec des neutrons ne créent pas de fissions, mais transforment des atomes en isotopes radioactifs. Certains neutrons, assez rapides, provoquent la transmutation de l'uranium 238 en Plutonium 239. Même dans un réacteur "normal" il y a toujours production de plutonium (le plutonium représente 1% de sa charge résiduelle).

On peut alors extraire ce plutonium chimiquement, puisqu'il n'a pas les mêmes propriétés chimiques que ses voisins. Alors qu'on ne peut pas séparer les deux isotopes de l'uranium chimiquement. (Ayant les mêmes cortèges électroniques, ils sont dotés des mêmes propriétés chimiques).

L'obtention d'uranium de qualité militaire ( 90 % de 235 minimum ) nécessitait des opérations d'enrichissement laborieuses et coûteuses. Par contre il était plus facile d'obtenir un mélange à haute teneur en plutonium 239, par simple extraction chimique. C'est la raison pour laquelle c'est l'explosif-type des bombes.

Dans les réacteurs militaires, la fabrication du plutonium est une priorité. Il n'y a aucune différence fondamentale, de principes de fonctionnement, entre les réacteurs à neutrons lents et les réacteurs à neutrons rapides. Tout dépend du "tirage de poêle", du régime où fonctionne cette "chaudière". Tout cela est expliqué dans ma BD Energétiquement vôtre, gratuitement téléchargeable dans le site de Savoir sans Frontières.

Les réacteurs actuels, à eau pressurisée, ne sont pas conçus pour pouvoir fonctionner en régime de neutrons rapides. Mais 50 % de nos réacteurs voient leur coeur dotés d'un certain pourcentage de MOX, du futur combustible : 94 % d'U238, 6% de Pu239.

L'EPR est conçu pour fonctionner avec 100 % de MOX.

Il suffira de passer au système du surgénérateur pour que le MOX se comporte comme combustible de ces nouveaux engins. Dans ce mode de fonctionnement, les neutrons rapides transformeront l'uranium 238, faisant office de "couverture fertile", en Plutonium 239. Celui-ci pourra être récupéré chimiquement. Ainsi "le surgénérateur fabriquera autant, ou plus de combustible qu'il n'en consomme". Dans cette situation "de rêve" la France deviendrait totalement indépendante au plan de l'énergie électrique, n'ayant plus qu'à exploiter cette "mine" que représentent ses 300.000 tonnes d'uranium 238, qui lui assure 5000 ans d'autonomie.

On passe évidemment sur la dangerosité des ces installations, sur la dégradation de l'environnement et le problème d'une masse de déchets toxiques.

Un paramètre important, concernant la toxicité des substances radioactives concerne leur capacité à se fixer dans les tissus humains. Sur ce plan, le plutonium est redoutable car il peut se fixer dans des tissus humains, par inhalation ou ingestion, et rester dans le corps pendant un temps qui dépasse la vie humaine. Il s'agit alors d'une contamination, qui n'est absoluement pas détectable, ou localisable. Un grain d'un millligramme peut ainsi exercer son action pathogène pendant des années et provoquer des cancers.

Ce ce fait, un accident du type Fukushima, avec des réacteurs chargés au plutonium pourrait avoir des conséquences catastrophiques et irrémédiables sur les populations. La seule réponse donnée par nos " nucléopathes " consiste à affirmer que les réacteurs français fonctionnent avec un haut niveau de sureté.

En Bref il faudra attendre que se produise en France un accident majeur pour que les mentalités évoluent.

Et encore.....

Quand on entend parler les intervenant dans ces vidéos, on se demane s'ils ont des enfants ou des petits enfants. Leur aveuglement semble sans faille. Ils n'ont à la bouche que les mots " exportations, balance des paiements, emplois ".

La visite effectuée à Fukushima par certains ne semble nullement avoir changé leur point de vue.

Pour passer à ce nouveau redéploiement, il faudra, dit Sylvain David, "expert du CNRS", intervenant lors de cette audition d'experts à l'Assemblée Nationale, 1000 tonnes de plutonium. En effet le chargement de démarrage serait de 16 à 20 tonnes de Plutonium. La France ne disposerait donc actuellement que de quoi assurer le chargement de 15 à 18 réacteurs. Pour déployer 60 réacteurs il faudrait effectivement 1000 tonnes de plutonium.

Et Sylvain David d'ajouter, qu'en vue d'un tel redéploiement, il faut considérer le plutonium produit, non comme un déchet, mais comme une matière précieuse, qu'il ne faut donc pas "vitrifier", mêler à du verre pour stockage "de longue durée".

Passons sur les dangers que représente un tel stock ( 60 tonnes à la Hague, 240 ailleurs ). Ce qui est fabuleux, c'est le "timing", qui figure à la fin du rapport produit par Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Techniques, en 2011.

 

deploiement nucléaire 2100

Figure extraite de la page 69 du rapport :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-oecst/rapport-final-surete-nucleaire-20111215.pdf

Voici donc, concotés par nos "experts", le futur de notre industrie nucléaire pour les 90 ans à venir !!!

 

Vous remarquerez que le déploiement des réacteurs de génération IV, les surgénérateurs, ne débuterait qu'en 2061, dans un demi-siècle, et qu'à cette date, aucun des participants à cet audit ne sera vivant. C'est surréaliste. Mais peu leur importe. Le calcul a montré que c'est le temps qu'il aura fallu pour constituer ce stock de 1000 tonnes de plutonium ( de quoi tuer tous les êtres humains vivant sur cette planète )

Qui pourrait imaginer que la science et la technologie n'évolueront pas pendant une telle tranche de temps ! Imaginez des experts qui, en 1900, envisageraient le déploiement des machines à vapeur de IV° génération, à l'horizon 2000. Y compris des avions à vapeur, des sous-marins à vapeur, des automobiles à vapeur.....

 

Nous sommes vraiment gouvernés par des irresponsables.

 

La Cour des Comptes pointe les nombreuses incertitudes concernant la facture du nucléaire

http://fr.news.yahoo.com/co%C3%BBt-nucl%C3%A9aire-cour-comptes-pointe-incertitudes-importantes-selon-212019946.html

Pour ITER, ces incertitudes son carrément surréalistes....

Reuters :

Loin de clore le débat actuel sur le nucléaire en France, le rapport que va publier fin janvier la Cour des comptes sur les coûts de cette industrie ne fera que le lancer. Les conclusions - d'une version non définitive - de ce rapport, que La Tribune s'est procurées, sont sans ambiguïté.

Prolixe sur les coûts du passé (construction du parc, recherche) et actuels (maintenance, exploitation), la Cour fait part des "incertitudes importantes" sur les coûts à venir, liés en particulier au démantèlement des centrales et à la gestion des déchets de longue durée. Confortant ainsi l'un des principaux arguments des opposants au nucléaire (voir ci-contre).

Quant aux coûts de la sûreté, voués à une flambée certaine depuis la remise, la semaine dernière, par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de son rapport sur les travaux à effectuer sur le parc français pour tirer les leçons de Fukushima, ils seront à peine évoqués.

Comment la Cour des comptes peut-elle, ainsi que le précise le Premier ministre dans sa lettre de mission de mai dernier, "expertiser les données fournies par les opérateurs" avant le 31 janvier alors qu'EDF a jusqu'en juin pour réaliser son devis des travaux exigés par l'ASN ?

D'évidence, le gouvernement ne voulait pas retarder après la présidentielle la publication de ce rapport, dont il espère qu'il confortera ses positions en faveur du nucléaire.

André-Claude Lacoste, président de l'ASN, a néanmoins été auditionné mardi 10 janvier rue Cambon. En l'absence de chiffrage détaillé d'EDF, il s'est contenté de donner son avis sur le devis avancé par l'électricien la semaine dernière, autour de 10 milliards d'euros. "Ces chiffres lui semblent un peu optimistes", avance une source proche.

Dès le lendemain, mercredi 11 janvier, les douze experts qui "assistent" la Cour dans ce travail recevaient le projet de rapport final, avant une dernière réunion programmée lundi 16 janvier. Ce qui laisse décidément très peu de temps pour intégrer dans ce rapport les conséquences de Fukushima dans la facture nucléaire française.

Après avoir - longuement - établi que la seule construction du parc nucléaire actuel avait coûté 96 milliards d'euros (sur des dépenses nucléaires civiles totales - recherche, usines Areva, réacteurs arrêtés... - de 227,8 milliards d'euros), soit 1,5 milliard le mégawatt (MW) installé (contre 3,7 milliards le MW pour l'EPR, souligne la Cour), le rapport scrute les investissements à consentir en matière de démantèlement et de gestion des déchets. Et ces deux questions clés restent sans réponse, faute d'avancées concrètes de la part des opérateurs.

Les charges liées au démantèlement sont estimées à 22,2 milliards d'euros. Mais la Cour recommande la plus grande prudence sur ces chiffres qui "doivent être regardés avec précaution, l'expérience en la matière, tant d'EDF [centrales de première génération] que du CEA ou d'Areva, ayant montré que les devis ont très généralement tendance à augmenter quand les opérations se précisent, d'autant plus que les comparaisons internationales donnent des résultats très généralement supérieurs aux estimations d'EDF" (voir l'exemple britannique). La Cour demande d'ailleurs qu'EDF change de méthode pour le calcul de ses provisions de démantèlement. L'actuelle "ne permet pas un suivi suffisamment précis des évolutions de ces provisions".
Chiffrer l'hypothèse d'un stockage

Surtout, la Cour des comptes "confirme la nécessité et l'urgence de faire réaliser, comme l'envisage la DGEC [aux ministères de l'Énergie et de l'Écologie], "des audits techniques par des cabinets et des experts extérieurs afin de valider les paramètres techniques" de la nouvelle méthode de calcul préconisée. "Nul doute qu'il n'y a rien de nouveau depuis le précédent rapport de la Cour sur ces coûts en 2005-2006, souligne un expert. On en saura plus seulement lorsqu'EDF aura avancé dans le démantèlement du réacteur de Chooz A, à l'arrêt depuis 1991, qui sera le premier réacteur à eau pressurisée à être déconstruit." Les réacteurs précédemment stoppés appartenaient à une autre technique (graphite-gaz), les méthodes ne sont donc pas comparables. Les coûts non plus.

Quant aux provisions sur les coûts de la gestion des déchets de longue durée, "elles ne sont pas stabilisées", affirme la Cour. Elles reposent sur un devis de l'Andra de 2003 qui a, depuis, plus que doublé, passant de 15 à 35 milliards d'euros, "il y a donc un doute manifeste sur le bon niveau des provisions d'EDF, d'Areva et du CEA", écrit la Cour. Elle recommande que "soit rapidement fixé le nouveau devis sur le coût de stockage géologique profond, de la manière la plus réaliste possible, c'est-à-dire en tenant compte des résultats des recherches menées sur ce sujet mais sans anticiper sur leurs résultat".

Enfin, au détour de sa deuxième recommandation sur les déchets, la Cour pointe les limites du credo français en matière de retraitement des combustibles. Elle demande en effet à l'Andra d'étudier, en la chiffrant, l'hypothèse d'un stockage, dans son futur centre souterrain, des combustibles usés mox et uranium (déjà retraité une première fois) sortant des centrales. Le mythe du recyclage continue de s'effondrer.
 
Marie-Caroline Lopez et Valérie Segond - 12/01/2012, 07:13 

 


 

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